"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE PREMIER.

qui voulut instruire son peuple, André Kacic-Miosic (1696- 1760), avait composé cette ballade, comme beaucoup d’autres, sur les thèmes populaires et l’avait publiée, en 1756, à Venise, dans un recueil qui porte le titre de Razgovor ugodni naroda slovinskoga (Entretiens familiers de la nation slovinique). Une copie manuscrite de ce poème se trouve à la Bibliothèque de F Arsenal à Paris (n° 8701). Fortis ne dut avoir entre les mains qu’une copie de cette chanson et non pas le texte imprimé, car il s’y trompa et la crut véritable poésie populaire. Nulle part, en effet, il ne mentionna Kacic comme en étant l’auteur 4 . Quoi qu’il en soit, il est intéressant et même utile de se demander comment Fortis eut l’idée de joindre cette pièce à son ouvrage et de promettre la publication ultérieure d’autres ballades « morlaques ». Sur le continent européen, cette idée était chose peu commune en 1770. Dix ans seulement s’étaient écoulés depuis qu’en Angleterre les poèmes d’Ossian avaient été publiés ; cinq ans seulement depuis la première édition des Reliques of Anèiènt English Poetry de Percy, et l’influence de ces deux livres, qui sera énorme, commençait à peine à se faire sentir. Nous parlerons, au chapitre suivant, du retour à la poésie populaire qui se produisit en Angleterre vers le milieu du xvm e siècle; cette nouvelle orientation du goût anglais devait exercer par la suite une profonde influence sur les littératures européennes. Ici nous ne dirons que quelques mots de l’origine probable des préoccupations folkloriques de Fortis.

1 Milan Ôxirèin, Das serbische Volkslied in der deutschen Literatur, Leipzig, 1905, p. 24.