"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

52

CHAPITRE PREMIER.

poète populaire sont par trop différentes de celles qui se trouvent dans Zes Morlaques pour qu’on puisse y reconnaître la moindre parenté avec ces dernières ; certains détails cependant nous ont paru assez significatifs pour ne pas exclure la possibilité d’une connaissance directe des Entretiens familiers de la part de la comtesse de Rosenberg; ce sont de nombreux noms serbo-croates qu’on ne trouve pas chez Fortis, mais qui tous ou presque tous ont été employés par Kaéic : Anka, Dobroslave, Pecirep, Dianiza, Radomir, Tiescimir, Vukossava, etc. Toutefois, la présence de ces noms dans le livre de M ma de Rosenberg peut s’expliquer d’une autre façon : l’auteur des Morlaques n’avait-elle pas des amis qui, connaissant la Dalmatie, Dandolo, par exemple (ou Fortis lui-même peut-être?) ont pu lui donner des renseignements qui ne sont pas dans le Voyage ? Pour donner une idée de ces « morceaux de poésie esclavonne » qui n’ont pour nous d’autre intérêt que de précéder la Guzla citons-en un : la chanson récitée aux funérailles d’un ancien chef slave. Le sujet est celui que traitera Mérimée dans une de ses ballades « illyriques », le Chant de mort, ce vocero dalmate qui ressemble tant au vocero corse dont on lit un spécimen dans Colomba.

Qui nous guidera encore sur les frontières des Turcs, pour leur enlever le bétail ? Qui jugera des meilleurs coups et donnera le prix au bras le plus robuste ? Qui mènera l’épouse à l’époux avec pompe et joie, si notre chef est mort ? Qui nous éclairera de ses conseils, comme notre père, dont la prudence égalait la clarté des flambeaux qui dissipent les ténèbres ? Que t’avons-nous fait, Marnan, pour que tu nous quittes? Nous t’aimions, nous obéissions toujours à tes ordres, ô brave Staréscina ! Mes frères, il nous écoute, il nous entend : nos voix descendent jusqu’d lui, mais la sienne ne peut plus monter jusqu’à nous.