"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

« LA GUZLA » EN FRANCE.

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En effet, il devenait de jour en jour moins difficile de s’initier à la poésie populaire serbo-croate, et ceux qui se laissèrent prendre au recueil de Mérimée en sont d’autant plus impardonnables : il eût été facile de ne pas tomber dans une telle erreur; les piesmas étaient assez connues en France: il eût suffi de consulter les collections qu’on en avait publiées, les excellents articles qu’on leur avait consacrés, pour éviter de se tromper aussi lourdement sur leur véritable caractère. Les revues du temps en avaient donné de nombreux extraits 1 ; de plus, Fauriel, le premier titulaire de la chaire de littérature étrangère à l'Université de Paris, avait fait pendant l’année 183-1-32 un cours sur la poésie populaire serbe 2 . Peu de temps après, une femme de lettres qui ne manquait pas de talent, M me Élise Voïart (la belle-mère de M me Amable Tastu) 3 , donna

naissance avec cette poésie qu’il avait voulu imiter sans la connaître. Nous en avons plusieurs témoignages. Dans son article De L’Origine des Albanais (Revue contemporaine du 31 déc. 1854), après avoir constaté que les échantillons de la littérature albanaise qu’il avait sous les yeux « n’étaient pas faits pour l’encourager dans L’étude de cette littérature », Mérimée se demande « comment un peuple placé entre les Serbes et les Grecs est resté si parfaitement étranger au mouvement poétique de ses voisins ». Dans l’introduction qu’il écrivit pour les Contes et poèmes de la Grèce moderne de Marino Vreto (1855), il déclare qu’on ne trouve dans ces chants « ni l’ampleur des poèmes serbes, ni l’invention romanesque des ballades anglaises ou des romances espagnoles ». Enfin, dans le feuilleton qu’il consacra aux Ballades roumaines de son ami Alecsandri (1856), il rapproche fort judicieusement une ballade de ce recueil d’une version serbe qu’il en connaissait; (Voir plus haut, pp. 205-206.) 1 N. S. Pétrovitch, Essai de bibliographie française sur les Serbes et les Croates (1544-1900), Belgrade, 1900. - Lire à ce sujet notre notice : Claude Fauriel et la poésie populaire serbe (en serbe), dans la revue Srpski Hgnijevni Glasnik des 1 et 16 février 1910. 3 Elle collabora au fameux Livre des Cent et Un. Sur M m " Voïart lire : Femmes auteurs contemporains, par Alfred de Montferrand, Paris, 1836, t. I, pp. 167-178. 28