"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE PREMIER.

Fortis parle avec dédain de la poésie populaire, dont un vrai savant ne devrait pas s'occuper. Le principal but de son ouvrage fut de lancer quelques nouvelles théories géologiques. Et cependant, le meilleur succès qu’obtint son livre sur la « Morlaquie » et les « Morlaques 1 », il le dut aux littérateurs plus qu’aux savants. Le Canto di Milos Cobilich e di Vuko Brancovich ne restera pas enseveli dans les Osservazioni. Un illustre penseur et poète allemand, Herder, va le traduire bientôt en sa langue et l’insérer dans le premier tome de sa fameuse collection de Chansons populaires. Et ce sera la première conquête de la poésie serbo-croate 2 . Au mois de juin -1771, Fortis partit pour la seconde fois en Dalmatie. Il y resta plusieurs mois, envoyant à ses protecteurs anglais de longs rapports qu’il réunira en 1774 et publiera à Venise 3 . Dans un des plus intéressants chapitres de ce célèbre Voyage en Dalmatie, le chapitre De’ Costumi de’ Morlacchi, il parla de nouveau de la poésie populaire serbo-croate, décrivit la guzla et les bardes « morlaques » : « V’è sempre

1 Quoi qu’en disent quelques écrivains, sous ce nom, Fortis entendait le peuple serbo-croate en général, et non pas exclusivement la tribu dalmale désignée aujourd’hui par ce nom. Il déclare expressément que « le pays habité par les Morlaques s’étend plus loin vers la Grèce, l’Allemagne et la Hongrie » : c’est-à-dire qu’il comprend la Bosnie, la Serbie et la Macédoine (Viaggio, t. I, p. 44). Morlaque vient d’une forme primitive morovlach : mono représente le grec p.aupoç (noir, misérable); vlach (valaque) est le mot par lequel les Slaves musulmans et catholiques désignent volontiers leurs congénères de religion orthodoxe. - Volkslieder, Erster Teil, Leipzig, 1778, pp. 130-138 : « EinGesang von Milos Gobilich und Vuko Brankowich. Morlakisch. » 3 Viaggio in Dalmazia dell’Abate Alberto Fortis. In Venezia, Presse Alvise Milocco, all’Apolline, 1774, 2 vol. in-4", pp. 180 et 204; nombreuses planches.