"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LES ILLYRIENS AVANT « LA GUZLA ».

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La Gusla qui doit beaucoup, directement et indirectement, au Voyage en Dalmatie n’est pas cependant la première œuvre inspirée par ce livre. Avant d’étudier ce que Mérimée, auteur de la Guzla._, a pris à Fortis ainsi qu’à d’autres sources, il nous faut dire quelques mots des précurseurs, envers qui il se trouve redevable dans une certaine mesure. I Æ LA COMTESSE DE ROSENBERG-ORSINI De nos jours, Justine Wynne, comtesse des Ursins et Rosenberg, auteur des Morlaques, est absolument inconnue. Ni Sayous ni M. Virgile Rossel ne disent un seul mot de cette Anglo-Italienne qui fut écrivain français ; et le Grand Dictionnaire universel du XIX e siècle de Larousse, qui a exhumé les noms les plus oubliés, ignore pourtant le sien. Cependant, elle fut célèbre en son temps • les Morlaques, imprimés en 1788, furent lus par Goethe qui s’en souvenait quarante, ans après 1 ; l’abbé Cesarotti, littérateur distingué du temps, traducteur italien d’Ossian, les loua comme « une poésie qui n’a pas besoin de versification, comme Vénus n’avait besoin, pour se faire aimer de Paris, ni de ses vêtements ni même de sa

1 II en parle dans son article Serbische Lieder, publié pour la première fois dans Ue.be,r Kunst und Allertum, t. V, livr. 2 (1824), p. 53. Pourtant, Goethe fait erreur lorsqu'il affirme avoir traduit le Klaggesang d’après la comtesse de Rosenberg; les llorlaques, en effet, ne contiennent pas cette pièce. Ils sont, du reste, postérieurs de treize ans à la traduction de Goethe, qui est de 1775 ou 1776. (Voir Franz Miklosich, Ueber Goethe’s « Klaggesang von der edlen Frauen des Asm Aga », Vienne, 1883,pp. 50-52.)