"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LES ILLYRIENS AVANT « LA GUZLA ».

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absolument en jugeant les Morlaques le « tableau le plus piquant et le plus vrai, etc... 1 » Les Morlaques, comme la Guzla, sont une « drogue », mais une drogue de fabrication plus grossière. La comtesse de Rosenberg avait puisé la plus grande partie de ses renseignements sur la Dalmatie dans ce même Voyage de Fortis 2 que Mérimée mit, plus tard, à contribution. C'est grâce à cette source commune que la ressemblance entre leurs ouvrages n’est ni vague ni incertaine. Dans tous deux on trouve le même, bric-à-------brac exotique : noms bizarres, de personnes et de lieux, mots slaves pieusement copiés dans le Voyage, avec toutes les fautes d’impression et de transcription italienne, mots soigneusement soulignés, incrustés dans le texte avec une abondance orientale, descriptions de fêtes populaires, de coutumes, de superstitions, de croyances; dans tous deux la guzla est dépeinte, dans tous deux se retrouvent des pismé (chansons). Quant à la « couleur locale », il serait injuste d’exiger de l’auteur des Morlaques ce que nous a donné, bien après, l’auteur de la Guzla. Les temps étaient changés : le public romantique en demandait bien davantage. De plus et sans parler de la supériorité du talent de Mérimée sur celui de la comtesse de Rosenberg les genres dans lesquels chacun d’eux s’était exercé étaient si différents que hauteur de la Guzla devait fatalement

1 Nous ne croyons pas qu’il faille attacher beaucoup d’importance à ce jugement : c’est Nodier bibliomane et non pas Nodier critique qui parle (« un joli exemplaire, larges marges », etc.). Le rare in-8" qu’est ce roman, est très apprécié par les amateurs de livres. Pourtant, l’auteur de Jean Sbogar fut blâmé plusieurs fois pour cet éloge de la « couleur locale ». 2 Elle reconnaît cette dette dans sa préface. 4