Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

PIÈCES JUSTIFIGATIVES. — PREMIÈRE PARTIE 13

IV

RAPPORT FAIT AU ROI PAR M. TABOUREAU, contrôleur général, le 23 février 1777.

Les sieurs Leleu et compagnie ont souscrit l'engagement de fournir, dans le cours de chaque année, à la halle de Paris, vingt-cinq mille sacs de farine, divisés par quartier, de manière qu'ils auroïient toujours sept mille sacs de farine dans le quartier de janvier, et six mille dans chacun des autres quartiers, à la disposition de M. le lieutenant de police, pour en porter à Ia halle et vendre aux prix que ces négocians pourroient en trouver ; et pour leur payer le prix de cet engagement, Votre Majesté leur accordoit l'usage des moulins de Corbeil , celui de cinq moulins appartenans à l’hôpital de Paris, dont le loyer étoit payé à l'hôpital, l’exemption de la taille à laquelle ils avoient été assujétis pour l'exploitation de ces moulins et 25.000 livres de gratification par an, dont ils étoient même payés d'avance, parce qu'ils avoient acheté des ris qui étoient dans les magasins de Corbeil pour lesquels ils avoient fait des billets, dont le montant s’élevoit à peu près à 150.000 livres, qui étoient le prix dela gratification pendant les six années. Ces négocians s’étoient engagés, dans le cas où ils discontinueroient leur service, à acquitter leurs billets jusqu'à concurrence, de manière qu'ils n’eussent que 25.000 livres de gratification pour le temps où ils auroient fait le service. Lorsqu'ils ont souscrit cet engagement, ils étoient déjà, depuis quelque temps, en jouissance des moulins de Corbeil et de ceux de l'hôpital, et ils avoient, dans l’hiver de 1776, porté des farines à la halle, dans le temps où la navigation étoit interceptée par les glaces. Ces négocians représentent quela gratification qu'ils ont obtenue n’est pas proportionnée à l’étendue des engagemens qu'ils ont pris, et qu’en usant dela liberté qu’ils ont de discontinuer leur service, si on exigeoit d'eux d’acquitter leurs billets qui montent à 146.000 livres, ils se trouveroient en perte de cette somme et de 30.000 livres au delà ; que l’examen de leurs livres donneroït cette preuve, et que celui de leur conduite feroit connoître qu'ils n'ont aucun reproche à se faire sur la sagesse et la modération de leurs dépenses.

Les pertes passées sont fondées principalement sur la différence du prix auquel ils ont acheté les grains, avec celui auquel ils ont vendu les farines, sur la perte d’un navire. Votre Majesté sait qu’en 1775 les grains ont été très chers. La récolte de cette année à fait tomber les prix d’un tiers ou de moitié; et les farines qui, à l’époque du printemps de 1775, se vendoient, les plus belles, 70 livres le sac de trois cens vingt-cinq livres, produit de deux setiers de blé, à la fin de 1775 ne se vendoient que 52 livres et actuellement ne se vendent plus que 47 livres. Cette diminution considérable dans le prix des blés a dû causer une grosse perte à ces négocians. Ils espéroient en être couverts par les bénéfices qu'ils feroient à l’avenir sur la vente de leurs farines et sur la gratification