Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

24 PACTE DE FAMINE

VIT

OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR LES SIEURS LELEU AU PRINCIPAL MINISTRE, le 14 août 1788.

Les pluies continuelles des mois d'octobre et de novembre 1787 se sont en partie opposées aux emblavemens, d’où il en résulte que beaucoup de terres n'ont point été ensemencées. L’orage du 13 juillet dernier a détruit une partie des récoltes et la récolte générale de cette année est décidée médiocre.

Ces événemens sont cause de l'alarme et contribuent à une augmentation considérable dans le prix des blés et dans celui des farines. Ces circonstances fâcheuses pourroïent devenir funestes l'hiver prochain, si l'on n’usoit pas de prévoyance : elle devient d'autant plus nécessaire, que depuis deux mois l’exportation de tout genre a été considérable.

On doit espérer qu’en prenant les précautions qui vont être indiquées, non seulement on parviendra à établir la tranquilité, mais que l’on pourra même voir renaître l'abondance. Ces précautions sont :

10 De suspendre la sortie des grains, afin de faire refluer de proche en proche, dans l’intérieur, et de contribuer par là à diminuer les prétentions du cultivateurOn ne peut pas se dissimuler que malgré la médiocrité de la récolte, le défaut d’approvisionnement ne peut être attribué qu'à l'espérance que les fermiers conçoivent d'obtenir un prix plus élevé, et à une disette qui est principalement d'opinion.

29 Pour prévenir dans tous les cas les besoins de faire venir de Hollande seize mille setiers de blé, qui seroient répandus avec sagesse dans les différens marchés où les besoins paroîtroient se faire sentir, et particulièrement dans ceux qui avoisinent Paris, afin de procurer l'abondance dans la capitale qui a, de tous les temps, fixé l'attention des administrateurs. On observera que si les ports n'étoient pas fermés, l’on ne pourroït pas attendre d’un approvisionnement étranger tous les avantages dont il est susceptible, parce que l'importation qui a pour motif de faire baisser encourageroit l'exportation pour les mêmes endroits dont les blés auroïent été tirés et exciteroient de nouveau les spéculations de l'étranger qui a fait depuis plusieurs mois acheter en France. Pareils inconvénients ont eu lieu en 1740.

Ces deux moyens paroissant capables de procurer l'abondance en blé, on croira peut-être devoir s'occuper aussi de ceux qui peuvent venir au secours de l'approvisionnement de la halle en farine. Le bien qu'a produit, jusqu'à ce moment, l'établissement de Corbeil, seroit, sans contredit, insuffisant, si considérant le vide que l'exportation doit occasionner, on considère encore les circonstances de l'hiver, telles que les grosses eaux et les glaces. Pour acquérir une nouvelle tranquilité sur le service de la halle, on pense qu’il faudroit, dès ce moment, prendre des mesures pour que les fariniers, tant de Pontoise que des autres endroits, qui sont dans l’usage d'apporter à Paris, y fassent arriver