Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

36 PACTE DE FAMINE

IV

LETTRE DE MALESHERBES À M. LE CHEVALIER DE ROUGEMONT,

gouverneur du château royal de Vincennes.

Du 11 septembre 1775.

Je m'occupe, Monsieur, de l'examen des pièces qui concernent vos différens prisonniers ; mais cel examen esl plus long que je ne croyois et jasqu’à ce que j'en aye rendu compte au roy et que Sa Majesté ait statué sur leur sort, voicy ce que j'ay à vous reccommander.

Je vais d’abord vous parler de tous en général, et je crois qu'il ne faut reluser à aucun de quoi lire et écrire. Le prétendu abus qu'ils en peuvent faire ne peut être dangereux, étant renfermés aussi étroitement qu'ils le sont, et cette privation de toute occupation dans la solitude est évidemment ce qui a fait tourner la tête au plus grand nombre. Il ne faut point se refuser non plus aux désirs de ceux qui voudraient se livrer à d'autres genres d'occupation, pourvu qu’elles n'exigent pas qu’on laisse entre leurs mains des instrumens dont ils pourraient se servir pour s'évader.

S'il y en a quelqu'un qui veuille écrire ou à moi ou à sa famille et à ses amis, il faut le permettre, en lisant leurs lettres ; bien entendu que, d’après cette lecture, vous pouvés et devés suspendre l'envoy de ces lettres, quand les circonstances l’exigeront.

Il faut aussi leur permettre de recevoir des réponses et les leur faire parvenir après les avoir lues ; sur tout cela c’est à votre prudence et à votre humanité qu'il faut s’en rapporter.

Je sais qu'il y a des cas où, pour des affaires d'état, il faut tenir des prisonniers au secret ; mais quant à présent, AUCUN DE CEUX QUE J'AI VUS À VINCENNES N’EST DANS CE CAS.

Voici à présent ce qui concerne chacun en particulier.

Jo Je n’ai pu reconnaitre à travers les marques de fureur de M. de la RocheGéraud, si cet homme n’est que violent et irrité par le malheur, ou si sa tête est aliénée ; c'est ce que vous pouvés vériffier par ceux qui visitent les prisonniers. î

Je voudrais aussi qu’ils sussent de lui s’il a dans Paris ou ailleurs des amis, ou au moins des connaissances, et en général de qui il était connu lorsqu'il à été arrêté. Je pense que la plupart de ceux qu'il citera sont morts à présent ; il pourra cependant s’en trouver qui ne le soient pas.