Les pamphlets de Marat

56 LES PAMPHLETS DE MARAT

C’est par les représentants de la Nation que doivent être faites les lois qui assureront votre bonheur, et quoique chaque membre de l’Assemblée nationale puisse y développer ses vues, c’est au Président de fixer les matières sur lesquelles elle doit statuer.

Le droit de la présider est une des prérogatives de la Couronne ; prérogative sans inconvénients chez une nation barbare qui a toujours les armes à la main‘, mais dangereuse chez une nation paisible et civilisée. Car l'Assemblée nationale étant le Léyislateur suprême, qui ne voit que dès l'instant où le Prince seul peut lui assigner les objets de délibération, maître d’enchaîner son activité, il l'empêche de connaître des abus qu'il a faits de sa puissance, des atteintes qu’il a portées aux lois, et il ne lui laisse plus de liberté que celle d'écouter ses demandes, de satisfaire à ses besoins, et de concourir à ses projets ambitieux. Dès cet instant, le Souverain est lié par son mandataire, et l'État est dans la dépendance de son chef. Il importait donc à la souveraineté de l’Assemblée nationale que le Prince ne püt jamais la présider”, ni par lui-même, ni par ses ministres; et si la constitution lui laissait quelque part au pouvoir législatif, ce devait être uniquement par le droit de consentir ou de rejeter les lois qui seraient passées, comme cela se pratique aujourd’hui chez les Anglais.

La liberté des délibérations exigerait que les ÉtatsGénéraux fussent présidés par un membre indépendant; mais ils ne sauraient se flatter de jouir de cet avantage :

1. Chez une natiôn guerrière, cette prérogative appartient naturellement à la couronne; car le Prince n'étant que le chef de l'armée, il est simple qu'il propose les expéditions projetées, et qu'il soit l'âme des conseils. (Note de Marat)

2. Les Monarques dédaignent maintenant de présider les Assemblées nationales : ils ne croient représenter dignement qu’à la tête de leur conseil. Que serait-ce si le Souverain ne leur avait laissé le droit de paraître à ces Assemblées augustes qu'en qualité de Simples membres de l'État? (Note de Marat)