Les pamphlets de Marat

DÉNONCIATION CONTRE NECKER +5

nest aussi étranger que le serait un habitant de l'autre monde, que le seraient Séjan et Crésus. Si la calomnie m'attribuait quelque raison personnelle de malveillance, à coup sûr elle serait en défaut. Comme particulier, il a toujours été. il est, et sera toujours pour moi un être indifférent. S'il fixe mon attention, c’est comme ministre du Prince. Il ne peut donc être à mon égard qu’un agent de l'autorité, je ne peux être à son égard qu’un simple citoyen : tout différend entre nous ne peut avoir qu'un intérêt public, et nous ne pouvons être jugés qu'au tribunal de la nation.

Dans uu différend de cette nature, est-il besoin de relever ici l'extrême inégalité des circonstances? Elle doit sauter aux yeux les moins clairvoyants. Il est homme public, je suis homme privé; illustré par sa place, je végète obscurément : il dispose des ressources de l’opulence, de l'intrigue, de l’astuce; j'ai tous les désavantages de l'infortune, de la franchise, de la droiture. Il a pour lui une foule de flatteurs, de partisans, de connaissances; les légions innombrables des aristocrates, des magistrats, des sangsues de l'État, des ennemis de la patrie; et ce peuple même, dont j’ai épousé la défense au péril de ma liberté, de ma sûreté, de ma vie, il l'enchaine par les trompettes de la renommée : je n’ai pour moi que les amis de la vérité. Ila en main la puissance qui intimide, qui entraine, qui subjugue tout... À la vue d'un combat aussi inégal, combien perdraient courage! Le mien n'est pas même ébranlé; j'ai pour moi le sentiment de la pureté de mon cœur, l'énergie de la vertu, et la force irrésistible de la vérité. Qu'il ne s’abaisse point à l'étouffer par un indigne manège !, et mon triomphe n'est plus douteux.

1. Des hommes clairvoyants prétendent que c'est le premier ministre des finances qui a poussé les aristocrates de l'hôtel-deville à mettre un bäillon à l'Ami du Peuple, dont il redoutait la franchise, et à le faire ensuite décréter de prise-de-corps pours'en