Mémoire sur la Bastille

NOTES 149

voiture partiroit à l’ouverture des portes, jurant toujours d’un ton pénétré que, puisqu'il étoit seul confident de ce dépôt, il seroit impénétrable,

La voiture étoit arrivée, en effet, à la campagne, à sept heures du matin; à huit, l’exempt de la police parisienne étoit dans mon grenier, il crochetoit la vache, il en brisoit le cadenas, il y trouvoit... quoi? de la paille!

L’onction que La Greze tâchoit de mettre dans ses sermens l’avoit trahi; on avoit profité du moment où il étoit allé souper, ou plutôt instruire l’exempt, pour fairel’échange,

L’histoire est plaisante, mais la perfidie étoit affreuse. En voici une encore plus atroce, s’il est possible.

En sauvant mes papiers jugés les plus importans, on en avoit laissé dans la maison une quantité assez grande pour autoriser à nier qu'il y en eût d’autres. La police de Bruxelles s'étoit saisie de cette proie, tandis que l’agent parisien, mieux instruit, en poursuivoit une plus précieuse, Lui et La Greze son complice, déconcertés par la précaution que l’on vient de voir, crurent se dédommager en s’emparant de celle qui étoit restée à Bruxelles : ils trouvèrent de la résistance dans les lois du pays; on vouloit un pouvoir de moi. Le Quesne, appelé à leur aide, en avoit bien un, mais il étoit ancien; il n’étoit pas relatif à l’événement du moment.ni à ses suites ; les magistrats de Bruxelles refusoient de le reconnoître, mes amis encore davantage.

Il fallut bien m’en demander un nouveau, car la démangeaison de connoître mes papiers étoit pressante, et l’on se flattoit, avec ce titre, de faire revenir même ceux qui s’étoient échappés du filet de La Greze. On me le demanda, je le refusai nettement. On devine quelle étoit ma raison. Que fit-on?

Le sieur La Greze écrivit au lieutenant de police de Paris que la justice de Bruxelles avoit saisi tous mes effets, qu’une partie étoit déjà vendue et confisquée, en vertu de la joyeuse entrée *, que le reste alloit avoir le même sort, que le seul

1. Ce n’étoit pas la mienne à la Bastille dont il parloit, comme on le sent bien : la joyeuse entrée est un droit particulier des souverains de Brabant. (Linguer.) ;