Mémoire sur la Bastille

152 NOTES

pour mon existence littéraire on n'avoit pas prétendu m’obliger de la pousser jusqu’à mon existence civile. C’est bien

à regret, mais assurément bien sans remords, que je suis rentré dans mon orageuse carrière.

15. P. 22. Qui n’en auront jamais peut-être, même à la Bastille. — J’en ai supprimé plusieurs dont le récit ne seroit pas aujourd’hui aussi frappant qu’ils ont dû me paroître douloureux dans le temps; les conjonctures font quelque chose, même dans les souffrances; un coup qui n’est rien pour un homme en santé devient insupportable, il peut causer la mort, s’il porte sur un membre déjà cassé. Mais je ne puis m’empècher d’insister sur le refus, soutenu jusqu’au bout, de me permettre de faire un testament par le ministère d’un officier public.

S'il n’a pas eu pour motif le caprice le plus barbare dont jamais ministre ait pu se donner la licence, il a donc eu pour objet une prévarication encore plus lâche : on vouloit donc, en me mettant dans l’impuissance de disposer du reste de mon bien, favoriser le sieur Le Quesne, qui avoit tout en sa possession; on vouloit donc, si j'étois mort, lui ménager le moyen de ne faire à ma famille que la part qu'il aurait voulu, et payer ainsi ses trahisons, non seulement à mes dépens, mais à ceux de mes héritiers. Ne m’ayant rendu aucun compte, ayant en main tous mes titres et tous mes effets sans exception, étant assuré, par ses relations avec la police, etc., qu’un testament olographe de moi ne sortiroit de mon tombeau que de son aveu, il devoit s’opposer à tout acte notarié dont il auroit été plus difficile de maîtriser les dispositions ou de supprimer la trace.

Laquelle de ces deux causes a motivé le refus du testament ? Je l’ignore : toutes deux, peut-être, ont concouru; mais, quand il n’y en auroit qu’une, n’ai-je pas eu raison de dire que ce refus seroit un exemple unique, même dans l’histoire des crimes de la Bastille ?

16. P. 34. De me préparer une retraite. — Il ne falloit peut-être pas moins que cette dernière infortune pour me guérir de ce patriotisme extravagant; le topique à été cuisant, mais aussi la cure est radicale.