Mémoire sur la Bastille

NOTES 193

A présent que je ris, j’ai trouvé assez plaisante une naïveté échappée à ce sujet à un homme qui joue aujourd'hui un rôle important dans le ministère, On lui parloit de ma retraite à Londres et de mon intention de publier ces mémoires-ci. « Mais il veut donc, dit-il, se fermer pour toujours les portes de la France? » Mais ces messieurs auroient-ils donc encore quelques lettres de cachet à placer, et songeroient-ils à m’honorer de la préférence ?

17. P. 37. Et désarmer la vengeance. — Le hasard m’a fait conserver une copie de cette réponse; je ne puis me défendre d'en consigner ici au moins la fin. Après avoir détaillé d’une manière attendrissante les raisons qui m'avoient arraché cette lettre, j’ajoutois : IL espère que le roi voudra bien considérer que c'est une affaire particulière, une affaire secrète, ignorée.…; que cette lettre ne doit être réputée que la suite d’un premier mouvement que les lois ne punissent nulle part et que la simple humanité excuse; qu’enfin, de quelque manière qu'on l’envisage, elle ne doit pas effacer le souvenir des services que le répondant s'est efforcé de rendre toute sa vie aux particuliers nombreux qu'il a défendus et sauvés dans les tribunaux ; au public qu’il s’est efforcé d’éclairer par ses écrits; à la religion, aux lois, aux mœurs, qu'il a toujours scrupuleusement respectées; ni de la délicalesse qui lui a fait sacrifier, à la seule apparence de la rupture, un établissement tout formé en Angleterre, pour se rapprocher de la France; ni de la fermeté avec laquelle il a publié partout les louanges et soutenu les intérêts de son prince et de sa patrie, méme au milieu de leurs ennemis, comme le prouvent surtout ses Annales; ni du dessein qu'il a toujours eu et annoncé de rentrer en France, de s’ÿ fixer, d'y apporter sa fortune et d'y vivre sous les lois du souverain à qui la Providence l'a soumis ; dessein qui étoit un des principaux objets du présent voyage, et sans lequel il ne seroit pas tombé dans l'infortune où il se trouve.

IL n'ajoutera plus qu’un mot: c'est qu'en développant ainsi les considérations qui peuvent rendre sa faute plus légère, il ne pense pas, néanmoins, à l’excuser entièrement : il ne se propose que de fournir des motifs à la clémence du

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