Mémoires politiques et militaires du général Doppet, contenant des notices intéreffantes and impartiales sur la révolution française, etc.

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dant la néceflité de le recruter amenant chaque jour dans ce corps une foule de coupe-jarrets, 1l s'éleva des difputes entre les chevaliers de Bufly & les Savoifens ; chaque jour ces derniers étaient pillés ou infultés : mais comme le Savoyard a la parole robufte & vigoureufe , ces meflieurs ne purent pas en foutenir le langage. Îls jugerent à propos d’aller rejoindre l’armée de Cobientz.

Il eft fi vrai que les plates fanfaronnades des émigrés fe changeaient en leçons de patriotifme pour le peuple favoifien, qu’un jour les habitans de Chambéry, outragés d’avoir vu arracher la cocarde nationale À un voyageur négociant, attacherent des cocardes blanches à la queue de plufieurs chiens, & montrerent ainfi à quelle cocarde ils donnaient la préférence.

Je neflaierai pas de raconter toutes les folies qu'ont pu faire les émigrés français en Savoie ; 1l me fuffit de faire remarquer que leurs crimes & laveugle complaifance du gouvernement farde à les tolérer ont été de preffans motifs pour faire defirer la liberté aux Savoifiens.

Ce qui acheva enfin de donner à la Savoie le befoin de fecouer le joug, ce fut la démarche fanguinaire du gouverneur piémontais. Ce militaire inconféquent, defirant faire fa cour aux émigrés & venger quelques propos plaifans qu’ils s'étaient attirés, fe rendit un foir dans le grand € fé de Chambéry avec quelques fatellites ; & là, comme un héros qui afliege une place forte, il fit faire feu fur des citoyens paifbles. . . . C'eft ainfi qu'on a toujours vu l’ariftocratie &