Napoléon Ier et le Roi Louis : d'après les documents conservés aux archives nationales

XXII NAPOLÉON Ix ET LE ROI LOUIS.

Napoléon donna à son frère le conseil, qu'il avait déjà donné au grand-pensionnaire, de mettre une imposition sur les rentes. (1). Mais Louis, comme Schimmelpenninck, repoussa cet avis. Il savait qu’une telle mesure eût révolté les Hollandais, lesquels, habitués par profession à louer leurs capitaux à tous les gouvernements, considéraient la dette comme la plus sacrée des propriétés, et il refusa d'inaugurer son règne par un acte qui n’était à ses yeux qu'une banqueroute déguisée (2). Obligé de ne compter que sur lui-même, il se borna, pour le moment, à retarder de trois mois le paiement des intérêts de la dette. Il leva 15 millions de contributions nouvelles, ce qui portait le revenu à 50 millions de florins. Pour ramener la dépense de 78 millions à 50, il résolut de réduire proportionnellement l'armée et la marine : il voulut désarmer la moitié de ses vaisseaux, réduire les troupes de terre, licencier les régiments étrangers qui étaient à son service, et raser une partie de ses places fortes (3). Dans l'incertitude que présentait l’état politique de l'Europe, ces mesures manquaient de prudence. Les négociations de paix qui se poursuivaient en ce moment à Paris entre la France et l'Angleterre, avec le concours de la Russie, n'étaient point assez avancées pour justifier de telles économies. Napoléon déclara à son frère que, s’il désarmait ses vaisseaux et licenciait ses régiments, la France signerait la paix sans lui faire restituer ses colonies (4). En ce qui concernait les places fortes, il lui prescrivit de ne rien décider sans l'avoir consulté : « Vous allez comme un étourdi, sans envisager les conséquences des choses. Vous devez pourtant

(1) Napoléon à Louis, 30 juin et 3 juillet 1806, p. 5 et 6.

(2) Louis à Napoléon, 8 août 1806, p. 19.

(3) Louis à Napoléon, 7, 15 et 21 juillet 1806, p. 7, 10, 11, 14. (4) Napoléon à Louis, 11 juillet 1806, p. 9.