Oeuvres littéraires : ouvrage orné d'un portrait
36 VISITE À BUFFON
faveur de celui qui brille à nos yeux ; on ne le sépare pas d’abord de son habit, l'esprit saisit l’ensemble, le vêtement et la personne, et juge par le premier du mérite de la seconde. Cela est si vrai, que M. de Buffon a fini par s’y prendre lui-même, et j'ai opéré sur lui, avec mon habit, l'illusion qu'il voulait communiquer aux autres. Que sera-ce, surtout, si nous connaissons déjà le personnage dont nous approchons, si nous sommes instruits de sa gloire, de ses talents, alors le génie et l’or conspirent ensemble à nous éblouir, et l’or semble l’éclat du génie même.
Buffon s'est tellement accoutumé à cette magnificence, qu'il disait un jour qu’il ne pouvait travailler que lorsqu'il se sentait bien propre et bien arrangé. Un grand écrivain s’assied à sa table d'étude, comme, pour paraître dans nos actions solennelles, nous produisons nos plus belles parures. Il est seul; mais il a devant lui l’univers et la postérité; ainsi, les Gorgias et les sophistes de la Grèce, quiétonnèrent des peuples frivoles par l’éloquence de leurs discours, ne se montraient jamais en public que parés d’une robe de pourpre.
Il me reste à terminer la journée de M. de