Oeuvres littéraires : ouvrage orné d'un portrait
38 VISITE A BUFFON
lui étant survenues, il a été obligé de suspendre ses travaux. Alors, pendant quelques jours, il s’est enfermé dans sa chambre, seul, se promenant de temps en temps, ne recevant qui que ce soit de sa famille, pas même sa sœur, et n’accordant à son fils qu'une minute dans la journée. J'étais le seul qu’il voulût bien admettre auprès de lui; je le trouvais toujours beau et calme dans les souffrances, frisé, paré même : ilse plaignait doucement de sa santé, il prétendait prouver, par les plus forts raisonnements, que la douleur affaiblissait ses idées. Comme les maux étaient continus, ainsi que l’irritation des besoins, il me priait souvent de me retirer au bout d’un quart d'heure, puis il me faisait rappeler quelques moments après. Peu à peu les quarts d’heure devinrent des heures entières. Ce bon vieillard m'ouvrait son cœur avec tendresse; tantôt il me faisait lire le dernier ouvrage qu'il composait, c'est un Traité de l’Aimant ; eten m'écoutant, il retravaillait intérieurement toutes ses idées, auxquelles il donnait de nouveaux développements, ou changeait leur ordre, ou retranchait quelques détails superflus ; tantôt il envoyait chercher un volume de ses ouvrages, et me faisait lire les