Orateurs et tribuns 1789-1794

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sordide paquet de haillons, son enfant un être chétif, moribond; mais sitôt qu'il avait bu quelques verres d’eau-de-vie, toute cette misère se métamorphosait, sa chaumière devenait un palais enchanté, sa femme une princesse resplendissante, son enfant un amour gras et rose. Les chefs de la foule lui accordent de temps en temps le pillage, les massacres de septembre, l'invasion de la demeure royale, de l’Assemblée ; ils proclament sa maîtrise, sa toute-puissance, ils promettent aux descalzados, aux affamés, de les mettre à la place des calzados, de ceux qui n'ont pas faim, qui sont chaussés, nourris, bien logés: et, pendant plusieurs années, la joie d’humilier, de tuer produiront à ce mendiant des clubs, des tribunes, l'illusion qu’il habite un paradis.

Cependant ces hommes de la Terreur, ces äpres logiciens, ces Montagnards ont été les artisans inconscients ou du moins les entrepreneurs d’une grande œuvre; ils onten quelque sorte accouché la patrie, ils ontproclamé, maintenu, par une loi de fer et de sang, l'unité de la France, et, d’une certaine façon, montré plus d'esprit politique que la Gironde qui n’était qu'un parti d’imagination. « Je remercie la Convention d’avoir sauvé l'indépendance de la France », a dit Berryer à la tribune. Que la violence de la Montagne ait créé une partie des dangers qu’elle invoqua comme prétexte, que son succès momentané semble obtenu par l’alluvion - de tous les crimes et de toutes les folies, qu'aujour-