Portalis : sa vie, et ses oeuvres

AU CONSEIL DES ANCIENS 69

plier sous le joug ; mais les esprits et les âmes se retranchaient dans l’asile inaccessible de leurs convictions. Avant de consommer l’absorption de l'individu par État, il fallait avilir l’homme à ses propres yeux et persuader au citoyen qu'il est un atome purement matériel du monde social, un simple rouage sans valeur personnelle. Or, le premier et le constant adversaire d’une semblable doctrine est cette religion chrétienne, qui, en révélant l'union intime de l’homme avec Dieu, a élevé si haut le sentiment de la dignité humaine et proclamé, jusqu’au sein de la plus profonde humilité, les droits inviolables de chaque homme au respect et à l'amour de ses semblables. Placée en face de cet obstacle formidable, la Convention ne recula pas: elle eut, comme toujours, recours à la violence et frappa, plus que jamais, avec rage.

Déjà, lors de l’établissement de la constitution civile du clergé, l’Assemblée législative avait envahi le domaine sacré de la conscience. Dans les derniers jours de sa session, sous la menace de l'insurrection victorieuse, elle avait voté la loi du 26 août 1792, aux termes de laquelle tous les prêtres qui avaient refusé ou rétracté le serment constitutionnel devaient sortir, dans les trois jours, du territoire français, sous peine de déportation en Guyane. La Convention avait été plus loin : le 20 octobre 1793 (30 vendémiaire an I), elle avait déclaré les prêtres réfractaires demeurés ou revenus en France passibles de la peine de mort comme les émigrés rentrés. En même temps, la fermeture des églises, les poursuites dirigées contre les ecclésiastiques,