Poussière du passé : (notes et tableaux d'histoire)

VIES D'ÉMIGRÉS 117

— Ouvrez, c’est moi! Elle entrait parée, crépée, fardée, poudrée, robe à queue, paniers, souliers à talon. Et de s’écrier : — Où sont les appartements ? Que vois-je ? Un hôpital ! Des femmes sur la paille! Un homme armé ! Holà ! où sont mes laquais ? De la lumière ! Des flambeaux ! — Et les laquais accourus, les flambeaux allumés, nouveaux cris, terreurs nouvelles, Où suis-je? Des pendus à la muraille !

Les grandes dames, couchées sur la paille, constataient alors qu’elles s’étaient endormies sous vingt-quatre moutons écorchés, accrochés, prêts à être envoyés au marché le lendemain.

L'aventure n’était que bouffonne. Il y en eut de plus douloureuses. La noblesse française crevait littéralement de faim, sollicitait l’aumône un peu partout, demandait à toute sorte d’industries les moyens de vivre. J’ai raconté ailleurs ces misères lamentables. Ceux qu'ont émus mes récits pouvaient croire que j’exagérais. Après avoir lu celui de la duchesse de Gontaut, ils reconnaîtront que j’ai été un narrateur véridique et fidèle, qu’il n’y eut jamais de plus atroces aventures que celles des émigrés, et que les

femmes qui les affrontèrent et surent les subir, 7: