Récits des temps révolutionnaires d'après des documents inédits

LE COMTE DE PROVENCE ET MADAME DE BALBI. 199

Ils s'y rendirent en toute hâte, bien qu’un peu surpris que Madame les eût précédés. L’hôtelier, venu à leur rencontre avec des flambeaux, confirma la bonne nouvelle et les éclaira jusqu’au haut de l'escalier. Mais, là, devant la porte d’une chambre entr'ouverte, se dresse un laquais qui, les ayant examinés, leur déclare tout net que ce n'est pas eux qu'on attend. En même temps, au fond de la chambre, une femme couchée, qu’on voit s’agiter violemment dans son lit, se met à crier :

« N'entrez pas! Ce n’est pas vous! Ah! l'horreur! Fermez, fermez, ce n’est pas lui ‘.

Lui, c'était le comte de Fersen, qui n'arriva que quelques heures plus tard et qui apprit à Monsieur que, durant la nuit précédente, il avait accompagné la famille royale jusqu’à Bondy. Il croyait fermement qu’elle était déjà hors de France.

1. Cet épisode, que son caractère tragi-comique m'a décidé à rappeler ici d’après la relation de d’Avaray, est également raconté dans celle de Monsieur, et en des termes presque identiques. On sait que Monsieur écrivit la sienne, en arrivant à Coblentz, au lendemain de son évasion. Elle a été publiée, sous son règne et depuis, dans la collection des Mémoires sur l'Émigration (Paris, Didot). Celle de d’Avaray ne l’a jamais été, mais le sera ultérieurement. Il l'avait écrite uniquement pour le Roi, dans les papiers duquel je l’ai retrouvée, enrichie d’annotations de la main de Louis XVIII.