Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

110 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR

tant en déroute (1). D’autres régiments obliquant aussi trop à droite, le maréchal m’ordonna de les faire appuyer à gauche. Je cours à l’un d’eux : « Appuyez à gauche, dis-je au colonel, faites appuyer à gauche. » Maïs pendant que je lui parle, un boulet l’enlève. Un commandant met aussitôt son chapeau au bout de son épée en criant : « Vive l'Empereur! En avant! » Un second coup arrive et le commandant tombe sur les genoux, les deux jambes coupées. Un capitaine lui succède et fait à grand peine exécuter le même mouvement. Enfin, le maréchal Ney, ayant poussé ainsi ces braves jusqu'à vingt pas des canons ennemis, fit faire sur eux un feu nourri, qui tua presque tous les canonniers sur leurs pièces, et, continuant notre marche précipitée, nous refoulâmes l’ennemi dans la ville. Nos soldats y firent une boucherie et culbutèrent l'ennemi dans l'Alle qui se couvrit en un instant de voitures, de chevaux et d'hommes qui s’engloutirent. On ne sait le nombre de nos blessés dans cette affaire : ils jonchaïent la plaine. Chacun portait sur soi des marques du feu ennemi; on se retrouvait, on s’embrassait. Cependant, malgré la prise de la ville, la bataille n’était pas gagnée.

(4) Plus exactement la 2% division, ancienne 3°, à la tête de laquelle le général Bisson avait remplacé au mois de mars le général Gardanne, relevé par Ney de son commandement, — Le VIe corps ne comprenait encore à Friedland, outre la brigade de cavalerie légère Colbert, que deux divisions d'infanterie, la 3, non constituée, n'étant représentée que par la brigade Brun (25° et 31° légers). (Note de l'éditeur.)