Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
GUERRE D'ESPAGNE EN 1808 ET 4809 449
heures de la journée; elles étaient vêtues de couleurs observant les dégradations insensibles de la lumière, selon les heures qu'elles représentaient. Six heures du matin s’empourprait comme l’aurore; six heures du soir se teignait des jaunes clartés du crépuscule; minuit, couvert d’une parure de jais, était noire comme le sommeil, tandis que midi, blanche et lumineuse comme un archange, rayonnait de feux. Mais, plus que les diamants, l'amour de Napoléon faisait resplendir sur son front un éclatant diadème. Les vingt-quatre heures dansèrent seules au même quadrille devant toute la Cour, qui remplissait les loges de la salle de spectacle. Jamais on n’avait vu tant de richesses, de gloire et d'amour (1).
J’allai passer une bonne partie de la belle saison à ma campagne de l’Églantier, me flattant d’avoir trouvé pour quelque temps le repos. C’était une vraie illusion. Pendant que je me livrais aux jouissances les plus paisibles, de nouvelles tempêtes s’amassaient dans le lointain et venaient, par intervalles, retentir jusque dans ma solitude. J’apprenais la catastrophe d’Aranjuez, la chute du Prince de la Paix, le voyage de l'Empereur à Bayonne, la disgrâce de Talleyrand, la double abdication de Charles IV et de Ferdinand, l’élévation de Joseph, roi de Naples, au trône d'Espagne; puis je savais que l'Espagne, indignée, s'était
(1) Au mois de mars de 1808, le lieutenant O. Levavasseur épousa à Paris Mlle Barbe Delorme. (Note de l'éditeur.)