Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire
GUERRE D’ESPAGNE EN 1808 ET 1809 137
Le 3 janvier, le maréchal m’appela le soir et me dit : « Levavasseur, allez auprès du maréchal Soult; voyez ce qui se passe dans son corps, et, si vous jugez que ma présence lui devienne nécessaire, venez m avertir. »
Le maréchal envoya de suite chercher un guide : cet homme sortit avec moi d’Astorga; je marchais derrière lui. Il me fit prendre le chemin des montagnes, et nous cheminâmes ainsi pendant quatre ou cinq heures au milieu de l'obscurité profonde. Après cet intervalle, un convoi de voitures vient à passer : je ne fais aucun doute qu’il n’appartienne au maréchal Soult. Bientôt après j'aperçois la lueur d’un camp; ce fait confirme ma première observation.
En ce moment et, sans que cela excite mon attention, mon guide s'échappe; je continue ma route et m'approche d’un village rempli de feux de bivouac; là seulement, je reconnais des Espagnols, et je m'aperçois de la trahison de mon guide. En maudissant ce traître, je mets pied à terre, et, tenant mon cheval par la bride, je passe près d’un groupe de paysans ameutés contre des soldats qui s'étaient emparés de leurs moutons. Je rends grâce à cette bagarre, et m’adressant à un paysan : « De undé el camino del Villa-Franca, signor? (Où est le chemin de Villa-Franca, monsieur?) » lui dis-je. Le paysan, trop occupé dans ses affaires pour seulement me regarder : « Pourrai, pourraï (Par ici, par ici), » me répond-il en m'indi-