Trois amies de Chateaubriand

270 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

Nouvelle lettre d’'Hortense. Et Béranger de répondre : « Savez-vous que je commence à vous croire? Ne poussez pas trop loin les preuves, car jen perdrais la tête de vanité. Quoi! lhumble chansonnier obtiendrait le suffrage de l’auteur des Martyrs! Chateaubriand saurait par cœur quelquesuns de mes refrains! Quelle gloire pour la chansonl!..» Séduction! Béranger résistait un peu. Une chanson pour Chateaubriand? Le politique les séparait.… Ah! quand il n’y eut que la politique à vaincre, les choses s’arrangèrent. Qu'est-ce que la politique, lorsqu'on est flatté? Déjà Béranger prenait confiance en lui-même; il louait ses « meilleures chansons », le «faire qu’il y mettait» et le « long travail » qu'elles lui coûtaient.

Il y eut un échange de politesses délicieuses et très comiques entre l’auteur du Génie du Christianisme et l'auteur du Dieu des Bonnes Gens. Chateaubriand voulait une chanson; et il était, à cette fin, pourvu de complaisance.

Un beau matin du mois d'avril, l'ami d’Hortense frappait à la porte du chansonnier, qui l’accueillait ie mieux du monde. Et il lui offrait de le présenter à l'Académie; puis, gentiment, il le priait de chanter Le Juif errant. Béranger, ravi, écrivait le jour même à Hortense : « M. de Chateaubriand sort de chez moi... Non, je ne dois pas être de l'Académie, quoi que M. de Chateaubriand en puisse dire... Je lui ai chanté Le Juif errant; il a bien voulu que je le lui répétasse, Il na paru en être très content,