Trois amies de Chateaubriand

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12 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

gir, de laisser un pareil homme en proie au besoin? »

Le 16 mai 1831, Chateaubriand partit pour la Suisse. Il s’en allait sans plaisir; il s’en allait pour qu’on le rappelât : un peu de sincère cabotinage ne le dépare pas. Qui leût rappelé assez fort pour que cette voix se fit bien entendre, non de lui qui était tout oreilles, mais de la France, qui serait censée avoir elle-même poussé ce cri? — Béranger!… Bref, il fallait décidément une chanson. Or, la chanson ne venait pas. Béranger la trouvait difficile à faire, — gênante, à cause de la politique. Un citoyen très populaire ne risque pas à la légère sa popularité précieuse. Alors, Béranger n’en finissait pas. Chateaubriand le pressa : « Eh! bien, monsieur, ma chanson? Je pars; si vous voulez que je revienne, il faut que j’emporte vos ordres. Il faut aussi que je vous réponde, et J'ai besoin d’avoir sous les yeux mon acte d'accusation. Hyacinthe. » C’est Hyacinthe Pilorge, le secrétaire. « Hyacinthe est chargé de vous faire mes sommations respectueuses et de réclamer mon trésor. Si je ne vous revois pas, monsieur, recevez jusqu'à mon retour mes remerciements et mes admirations aussi vives que sincères. »

René parti, Hortense mit tout son cœur, qu’elle avait si actif, à obtenir la chanson. Elle secoua le génie paresseux de Béranger, elle eut raison de ses craintes. La chanson fut terminée au mois de septembre. Voilà comme Hortense était serviable et ingénieuse, Certes, ce n’est pas ainsi qu’elle prenait le