Trois amies de Chateaubriand

PAULINE DE BEAUMONT ol

Pauline de Beaumont devint le centre d’une société gaic et parfaite.

C’étaient les femmes les plus fines de ce temps où la causerie française paraît avoir été plus joie que jamais. On dirait qu'avant de disparaître, — car elle était condamnée à une mort prochaine, — cette fleur de l’ancien régime, la société, eût voulu briller d'un plus vif éclat. Elle gardait les qualités ravissantes qui lui venaient d’un usage séculaire, d’une politesse longuement préparée, lentement améliorée encore et fixée enfin par une tradition que d’illustres exemples consacraient. Les noblesrègles continuaient d’être fidèlement observées. Et puis, à tant d’agrément, s’ajoutait maintenant une nouvelle, une merveilleuse curiosité de l'esprit, un goût périlleux des idées, un délicat souci de l’art et une liberté, certes aventureuse, mais qui ne se manifestait encore que gentiment. On a limpression singulière que Fapproche des années tragiques donnaït une ferveur étrange, une hâte de vivre, un désir de profiter des beaux jours, et d'y être délicieux, à ces hommes et à ces femmes qui ont l’air d’avoir deviné la menace et de l'avoir subie avec leur grâce incomparable.

Autour de Mme de Beaumont, nous voyons François de Pange, son cousin, jeune homme lettré, pâle et sage, qui aima les Muses et qui ne cessa d’être leur amant que pour devenir leur ami; les deux frères Trudaine, fils de ce Trudaine de Montigny, ardent admirateur de Diderot et qui perdit un peu du temps que la politique réclamait de lui à écrire des