Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

196 CHAPITRE CINQUIÈME.

et son caractère. Il le considère comme une puissance, et l’exhorte à se retirer en Prusse, où il serait reçu avec les égards qu’il mérite, où le gouvernement ne l’accueillerait pas « comme on achète un cheval qu'on paye pour ses années de jeunesse, à la charge de le jeter à la voirie dès qu'il est épuisé ». Il se juge assez influent à Berlin pour ménager là à son ami un honorable asile. En attendant, il le conjure de ne pas aller en Angleterre, sous peine de compromettre ses parents restés en France. Il l'exhorte à écarter de lui et à mépriser les émigrés, race d'indiscrets et de calomniateurs dont les lettres sont lues à Paris et font la risée de tous. Il lui offre les moyens de se venger de ses adversaires, entre autres du bailli de ‘Crussol.

Enfin il se réjouit de lui voir reprendre son histoire de la Révolution, dont il a recu en communication les premiers chapitres : « C’est écrit comme J.-J. Rousseau el Tacite.… » Il tient du moins à rectifier et à compléter beaucoup de détails, et promet de faire passer à d'Antraigues, par la voie de l'Angleterre, deux volumes infolio de matériaux; un résumé de l'histoire des finances depuis le renvoi de Cambon; un mémoire sur le duc d'Orléans récemment présenté par Laclos à Reubell, des Jettres originales soustraites à Louis XVIIL et qu'il peut soustraire à son tour au milieu du désordre des archives. «La préface, ajoute-t-il, est un des plus éloquents morceaux que j'aie vus de ma vie. On n’a rien écrit qui inspire tant d'amour pour la royauté. Cela est d’une beauté parfaite. » Quant à l’auteur de ce chef-d'œuvre, il pourra se consoder de la disgrâce royale avec le souvenir de l'amitié de Malesherbes et de la confiance de Charette.

Cette correspondance, interrompue par la guerre -générale, finit pour nous au printemps de 1799. Vanne-