Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

PREMIÈRES INTRIGUES (1790-1792). 87

dont la France est menacée; il croit maintenant leur existence chimérique, et s’il est encore républicain en théorie, s’il admire Brutus, c’est que Brutus, l'ennemi

des rois, — et ici le politique rétablissait la vérité histoLICE om était au fond un conservateur et un aristocrate. Des pensées religieuses autant que profanes alimentaient sa verve. Sou royalisme n'avait rien de superstitieux ni de mystique; il niait la doctrine du droit divin; il confessait que la raison d’être du pouvoir royal était simplement l'intérêt de tous, et les arguments qui parlent au cœur faisant défaut à sa thèse, il cherchait à la fortifier par des considérations tirées de l'intérêt religieux. Déjà, à la tribune de l’Assemblée, il avait parlé en libre penseur pénitent du catholicisme comme du plus ferme appui des empires; depuis il parla en docteur de l’Église des affaires du clergé, et dénonça la conspiration ourdie de longue date par les philosophes contre le trône et l'autel, la coalition des impies, des jansénistes et des protestants; jusque dans la division en départements, il voyait la réalisation des plans combinés dans les synodes huguenots du seizième siècle. Entre temps il composait une vie de Henri VIIT, où il exécutait le schisme constitutionnel sous l'enveloppe du schisme anglican. C'est ainsi que cet esprit fort, naguère fertile en déclamations et en sarcasmes contre le christianisme, dissertait sur le thème si largement développé depuis par l’abbé Barruel. Il citait le Nouveau Testament, les Pères et les conciles, parlait même à l’occasion de confesser sa foi et de mourir pour elle. Il était devenu de la religion de la monarchie tombée, comme son aïeul huguenot était devenu de la religion du roi triomphant, et il éprouvait le besoin de l'écrire, même au pape, dont il se disait