Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

PREMIÈRES INTRIGUES (1790-1792). 93

résistances. D’Antraiques et Las Casas, ne le jugeant pas assez souple pour travailler sous leur direction, le dénoncèrent comme nuisant par son action isolée au plan général, et quand il se présenta à eux, malgré ses apparences de soumission et de bon vouloir, ils l’amusèrent et lui firent perdre si bien son temps qu'ils l'empêchèrent d'aller et agir où il voulait (1).

Quant à eux, leur rêve était de décider l'intervention des puissances voisines de la France, et de provoquer une triple démonstration militaire sur le Jura, les Alpes: et les Pyrénées. Comme député, d'Antraigues s'était obligé à réclamer pour les étrangers au service du roi le serment de ne jamais porter les armes contre les citoyens; comme émigré, il s'employait à obtenir d'eux un serment contraire. Il répandait, sous le pseudonyme de Henry-Alexandre Stauffach, son Avis aux Suisses, où il proposait de lier la mise en liberté de Louis XVI au renouvellement des capitulations avec la France. On l'entend, dès la fin de 1790, annoncer que tout Berne est acquis à la cause royale; et deux ans après il était encore employé par Las Gasas à solliciter des cantons catholiques une levée de douze mille hommes que l'Espagne, alors en guerre ouverte avec la France, voulait prendre à son service (2).

A Madrid, ses premières négociations se résument dans un mémoire adressé au ministre Florida-Blanca,

(L) Fromewr, Précis de mes opérations, etc., p. 60-61, 65, 7173, 75. — Cf. une note malveillante remise sur Froment à d’Antraigues par Solliès, conseiller à la Cour des aides de Montpellier. (A. F., France, vol. 636, f° 91.)

(2) Correspondance inlime de Vaudreuil et du comte d'Artois, t. I, p. 331. — Lizakévitch (chargé d’affaires russe à Gênes) au comte Osterman, 12-23 mars 1793. (A. M.)