Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt
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un des beaux hommes et des plus séduisants que j'aie vus; le type idéal de amoureux! Sa voix n’a pas un fort volume, maïs elle est franche, sympathique et il la manie admirablement. Martin (1) le dépasse toutefois; son timbre est plutôt celui du baryton que du ténor et sa méthode prouve combien il est musicien; il n’est pas moins bon comédien. Peut-être pourrait-on lui reprocher, ainsi qu'à Elleviou, d’abuser des fioritures. Mais sur une scène du genre adopté à Feydeau, ce que le public veut avant tout ce sont des représentations amusantes. Lorsqu'une pièce réussit, on peut la donner pendant plusieurs semaines sans interruption et la reprendre ensuite, environ chaque mois, pendant longtemps. Or les loges étant généralement louées à l’année, leur personnel ne change pas; de plus, il est de mode que, même les non abonnés reviennent souvent aux pièces à succès. Un public ainsi composé désire évidemment que les acteurs varient leur jeu, et les acteurs ne peuvent que se plier à son goût.
Le soir où l’on donnait Une Folie, on avait joué, comme lever de rideau, le Prisonnier de Della Maria (2). Une invitation m'avait empêché d'arriver à temps pour l’ou-
(4) Martin (Jean-Blaise), dont l’admirable voix atteignait, dans les. cordes élevées, aux limites du ténor et, dans les sons graves, à la sonorité de la basse, était en réputation depuis 1788. Il s’est fait applaudir jusqu'en 1822; du même âge qu'Elleviou, nés tous deux en 1769. Les Figures d’opéra-comique de A. Pouarx sont à consulter sur ces excellents artistes.
(2) Della Maria (Dominique), né à Marseille, de parents italiens. Le joli poème du Prisonnier, début lyrique (1796) de Della Maria à Paris, lui avait été généreusement offert par Alexandre Duval. Un style original, mélodique, valut un vif succès au jeune compositeur, admirablement secondé par le délicieux ensemble de la troupe Feydeau. La faiblesse des œuvres postérieures de Della Maria laisse présumer qu'il avait épuisé de bonne heure son fonds d'idées mélodiques .