Variétés révolutionnaires
LA VRAIE DU BARRY 95 avec Choiseul, à qui la décence, nous dit-on, inspirait un invincible éloignement pour la favorite ? Il faut parler sérieusement; Choiseul n'était pas si pudibond quand, avec une platitude extrême, il jouait les chevaliers servants auprès de la Pompadour, ni quand il voulait pousser sa propre sœur, la duchesse de Gramont, dans l’alcôve de Louis XV. Au contraire, Mme Du Deffant, dans sa correspondance, établit que le dépit de Choiseul vient surtout de ce que la favorite refusa d'inviter aux petits soupers de ses cabinets le premier ministre qui l’avait fait si cruellement insulter par les chanteurs des rues et sur les théâtres du boulevard.
Le ministre, blessé dans son amour-propre, eut l'occasion de se venger en excitant les esprits contre la Du Barry à propos de l'affaire d’Aiguillon. Le duc d’'Aiguillon, petit-neveu du cardinal de Richelieu, gouverneur de Bretagne, avait soulevé dans ce pays des haines inexplicables. Brillant officier, ayant conquis tous ses grades à la pointe de l'épée, le vainqueur des Anglais à Saint-Cast (1758) s'était vu contester par les amis de La Chalotais, procureur général au parlement de Rennes, jusqu'à son courage militaire. Les esprits s'échauffèrent dans la province ; le parlement de Bretagne poursuivit le gouverneur, comme celui de Toulouse avait poursuivi le duc de Fitz-James, gouverneur du Languedoc, et, à la suite d'incidents divers, le parlement de Paris, prenant par esprit de corps fait et cause pour La Chalotais, cita à sa barre le duc d’Aiguil-