Bitef
le lent, le fatal développement de ces volontés féminines, et leurs réalisa- . lions; la Femme, dans tout ce qui l’identifie au divin, se transforme en élément nécessaire et élimine ainsi la posibilité du libre-arbitre chez ceux qui viennent à être entraînés dans cette réalisation de l’Absolu. Les princesses syriennes complotent, se prostituent, consomment l’inceste devant les corps de leurs propres fils assassinés, cependant que le désir de devenir reines les entraîne dans cette force cosmique qui vit en elles comme chez toute déesse, ces femmes où n’existe pas la division entre le bien et le mal, entre la cruauté et l’amour. Le pouvoir ravi à Héliogabale est la concrétisation historique de leur divinité. De la même façon, Hélène, la protagoniste de Bataille, est à la recherche de cette identité, de cette divinité, de ce moment de plaisir total, où annuler pour toujours son angoisse. Mais le moment de plaisir suprême n’est accessible qu’au travers du délire, et c’est dans ce délire que se précipite Pierre, son fils, poursuivi, abasourdi, bouleversé par le désespoir et les récits de sa mère, décidée à entraîner son fils dans sa réalisation de la félicité absolue. Q Memè Periini
Heliogabale ou l’anarchiste couronné (1934) Voici le livre le plus violent de la lit- I térature contemporaine, je veux dire I d’une violence belle et régénératrice. I Héliogabale, né sur un berceau de I sperme, morf sur un oreiller de sang, I est un noir héros de notre monde. Sa I légende est faite de perversité et d’exécration. Et Gabal, Celui de la Montagne , est non seulement l’empereur dépravé de la Rome pourrissante de Troisième Siècle, livré aux vices et à la folie, mais aussi le premier héros infernal de cette rencontre avec l’Orient, dont Apollonius de Tyane fut l’Archange, incarnation du mythe hermaphrodite, adorateur du Soleil et de la pierre noire Elagabale, il a vécu jusqu’à l’extrême le drame de l’affrontement entre le monde gréco-latin et la Barbarie. Il s’agit bien ici d’un texte initiatique; prêtre païen et empereur de Rome à l’âge de quatorze ans, Héliogabale annonce à la fois le rite solaire des Tarahumaras, et le sacrifice de Van Gogh, le
Suicide de la société, puis la descente aux Enfers d’Artaud le Momo, Héliogabale est l’Anarchiste, avant d’être l’Alchimiste couronné. Ce livre envoûtant, le plus construit et le plus documenté des écrits d’Antonin Artaud, est aussi le plus imaginaire. Qui n'a pas lu Héliogabale n’a pas touché le fond même de notre littérature sauvage. □ J. M. G. Le Clézio, Éditions J. J. Pauvert, Collections 10/18.