Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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Et il termine son épître par ces conseils philosophiques: « Il faut vivre, bien vivre, ne pas prendre les vessies pour des lanternes et les fusées pour des comètes, et tout espérer, de Dieu surtout, de la nature, son domaine, de l’ordre naturel et de l'aptitude naturelle de l’homme à revenir à la raison des choses, quand le drame des délices aura sa fin.» Il ne se doutait pas, assurément, combien ce drame serait long et combien certains actes en seraient terribles. [ne devait en voir, d’ailleurs que le prologue; les lignes que nous venons de citer sont les dernières que nous avons trouvées dans les papiers de Butré, sans doute aussi les dernières qu’il lui ait écrites.

Pendant que notre économiste, plus ou moins remis de ses souffrances, s’apprêtait à parcourir Paris, ses amis de Carlsruhe n’avaient pas été peu étonnés d'apprendre, d’abord sa brusque retraite à Strasbourg, puis son départ pour la capitale. Nous trouvons un écho, très adouci sans doute, de tout ce qui fut dit et pensé alors à la cour du margrave, dans la lettre du baron d'Edelsheim, qui finit par rejoindre Butré à son domicile parisien :

« À Carlsrouhe, ce 4 mars 1789.

« Vous m'avez causé un bien grand chagrin, mon cher Butré, par l'annonce de votre départ de Strasbourg. Il y a une contrariété très étrange dans notre destinée. Lorsque je cours à Ettlingue, je n’y vous trouve plus. Lorsqu’après le départ du prince Louis, je volais dans vos bras à Strasbourg, il m’arrive la veille la nouvelle que vous en êtes parti. J'aurais cuvé mon chagrin entre les murs épais de notre château solitaire, si les neiges et les frimats ne m'avaient retenu ici. J'avais déjà fait chauffer trois jours vos chambres à Ettlingue; mais dès que la lune change de face, et que les neiges se fondent, je m'établis à Ettlingue où j'en ai en attendant donné l’ordre

1 Victor de Riquetti, marquis de Mirabeau, mourut à Argenteuil, le 13 juillet 1789. Il était né le 5 octobre 1715 et avait par conséquent 73 ans.