Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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nations n’ont pas d’ennemis plus cruels que tous les vampires de l'oppression fiscale. Si j'avais deux cent mille hommes, sûrement ils seraient employés contre ces pilleurs publics, qui sont sur tous les chemins d'Europe et je ne quitterais pas les armes tant qu’il y resterait une seule hutte d’extorsion fiscale .. Il n’y aura jamais ni propriété ni liberté, tant qu’il existera la moindre trace de douanes, commis et barrières... C’est là ce que j'attends de l’Assemblée nationale. C’est cette hydre infernale dont il faut couper toutes les têtes dévorantes de tout ordre et de tout bien. Si on en laisse la moindre trace, c’est manquer absolument l’œuvre de la régénération sociale et nous laisser sous le joug le plus ignominieux. »

On voit, encore ici, combien le côté économique des problèmes agités alors, l'emporte chez notre physiocrate, sur le côté politique. L’un des motifs qui, peu à peu, le rendirent indifférent, puis hostile à la Révolution, fut assurément l’incapacité déployée sur ce terrain spécial, par les meneurs du mouvement, profondément ignorants de ces questions, et, ce qui pis est, fort peu soucieux de s'initier aux études favorites de Butré.

Une lettre écrite quatre semaines plus tard au comte de Mirabeau, nous montre que Necker s'était décidément. perdu dans l'esprit de son conseiller bénévole, et que loin de voir encore en lui le sauveur de la France, Butré penchait à lui attribuer la part la plus importante dans ses désastres financiers. Il commence par exprimer à l’illustre orateur de la gauche toute sa surprise du décret du 26 septembre, qui faisait don à la nation du quart des revenus de tous les citoyens, et reproche à Mirabeau d’avoir «entraîné cette décision violente et si précipitée.» I lui déclare qu’il n'aurait jamais pensé le voir se faire l’ardent promoteur d’une mesure si peu utile et le voir « S’attacher ainsi au char de M. Necker.» Suit une attaque à fond de train contre le premier ministre. « Vous n’ignorez pas que C’est lui qui est l’origine du précipice où la France