Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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métaphysiques que la philosophie mettait alors à l’ordre du jour. M. de Butré croyait, dès lors, — et il le croira de plus en plus — être arrivé à pénétrer fort avant dans les arcanes du monde invisible et nous ne nous trompons pas sans doute en admettant que ces prétentions mystérieuses ont pu contribuer, dans une certaine mesure, à lui valoir un accueil empressé dans l'aristocratie allemande fort portée, à cette époque, pour ces spéculations fantastiques et les mystères des sociétés secrètes.!

Mais pendant que M. de Butré s'occupe, ainsi que nous le verrons tantôt, à initier la cour de Bade aux mystères de l’économie politique, il suit d’un œil attentif ce qui se passe en France; il sympathise aux efforts énergiques et trop peu fructueux de Turgot pour réformer les abus, il lui offre ses services scientifiques et profite de l’occasion pour lui adresser ses doléances sur la taxe extraordinaire frappée sur sa terre de Touraine à la suite d’émeutes populaires amenées par les prétendus «accaparages » de grain du prévoyant ministre. Turgot lui répondait de Versailles, le 27 août 1775:

«J’ay reçu votre lettre, monsieur, et je verrai avec plaisir les mémoires que vous m'annoncez sur les moyens d'estimer les revenus du royaume. A l'égard de la taxe à laquelle vous êtes imposé pour réparation de dommages causés sur les bleds je conviens qu’elle est désagréable pour vous comme pour bien d’autres qui n’ont sûrement pas eu part aux émeutes, mais vous sentez que si la répartition générale de ces sortes de dédommagement est un mal pour les particuliers innocents sur qui elle tombe, elle est néanmoins indispensable pour établir la confiance des commerçans contre les mouvemens populaires et pour intéresser la totalité du païs à les prévenir

* On peut consulter sur ce sujet le curieux ouvrage du docteur SIeRKE : Schwdärmer und Schwindler zu Ende des XVIII. Jahrhunderts. Leipzig, 1874, &.