Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

6 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

serait partie avant l'arrivée de l’armée de Paris. La prudence des Suisses et de la milice de Versailles prévint d’horribles malheurs : on voulait faire jouer l'artillerie pour détruire les gardes dans un moment où ils étaient dans la cour Royale : on aurait culbuté le château et les habitants.

J'ai déjà écrit le départ du roi et de la famille royale : ils furent conduits à l’Hôtel-de-Ville, on les ramena aux Tuileries au milieu des acclamations.

Lundi, une multitude de femmes qui étaient arrivées avec 4 pièces d'artillerie inondèrent notre salle : le désordre fut grand, on bâtit le décret des grains que... moins pour les renvoyer, elles restèrent. L'Assemblée se sépara : elle fut convoquée à 1 heure après minuit... les femmes y étaient encore : elles embrassèrent l’évêque de Langres, qui présidait, et un grand nombre de députés. Elles avaient un orateur, mais elles ne tardèrent pas à [partir]. L'acceptation du roi, que vous trouverez dans les pièces jointes, paraîtra-t-elle libre à toute la nation? Le roi est à Paris. On avait menacé de venir chercher l’Assemblée nationale le lendemain sous la même escorte, et cette escorte même ne sauverait pas le clergé de la fureur qu’on a inspirée aux Parisiens. Si elle n’était pas si générale, si elle ne violait pas la liberté des représentants des provinces, si on discernait les gens suspects, je ne sais si l'Assemblée pourrait se dispenser de se transporter ou d’être transportée à Paris.

‘Je ne puis vous dire encore toutes mes arrière-pensées. Le clergé et la religion recevront ici le coup mortel par la faute, je ne crains pas de le dire, des députés de cette classe, dont la stupidité et l'intrigue sont également accusées. Paris sera-t-il libre comme Rome avec ses prétoriens, comme Constantinople avec ses janissaires? Quel sera le sort des provinces? Je l’ignore, mais la crise actuelle le décidera : il est encore possible qu’elle prenne une tournure heureuse...