Étude historique et critique de l'impôt sur le sel en France : thèse pour le doctorat

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impôt est même exclusivement une capitation et nullement une taxe de consommation: car chaque individu est forcé, pour conserver l'existence, d’en employer à peu près la même quantité: le sel sert en effet à reconstituer dans le suc gastrique l'acide chlorhydrique qui est dépensé pour la digestion: sa consommation, contenue dans des limites presqu'infranchissables, ne saurait donc s'accroître en raison de la différence des fortunes, ni subir l'influence des caprices du goût ou des fantaisies du luxe.

Bien plus, les classes indigentes, et surtout les habitants des campagnes, paraissent plus lourdement frappés que les classes aisées ; car le sel est le véritable « sucre du pauvre », l’assaisonnement indispensable de ses aliments. Personne n'ignore que les repas frugaux de l’ouvrier agricole ne se composent le plus souvent que de pommes de terre accompagnées d’une poignée de sel, ou de poissons et fromages salés: et lorsque la menagère traite son monde, c’est encore avec les salaisons qu'elle a préparées et pour lesquelles elle a dû économiser du sel (1). De telle sorte qu'avec le nombre des enfants Vimproportionnalité s'accentue et que la taxe devient d'autant plus lourde que le contribuable est plus pauvre.

Cest en vain que l’on a cru trouver un remède à ce grave défaut dans la hausse du salaire; les répercussions sont longues, souvent aléatoires: « le journalier qui n’a que ses bras, le pauvre qui n’a point de travail, le vieillard. l’infirme ne peuvent

(1) Josera Garnier. Annales de la Société d'Economie Politique. T, X. p. 365.