Étude sur les idées politiques de Mirabeau

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des conditions d'existence. Il faut d’abord qu'elle soit utile. Le monarque doit veiller sur l’ordre public, sur le bonheur de chacunt. « Son pouvoir est la plus ferme barrière de la liberté publique?. — Les rapports entre le monarque et son peuple sont fondès sur l'utilité, sur la justice. — Le peuple n’a-t-il pas placé le trône entre le ciel et lui pour realiser, autant que le peuvent les hommes, la justice éternelle‘? » La conséquence de cette condition est facile à déduire. Le pouvoir est-il inutile ou injuste ? Il faut le supprimer. Telle est la thèse de Mirabeau dans ses premiers écrits. « L’obéissance, dit-il, ne se doit qu’en vue de l'utilité”. » Les peuples peuvent renverser leurs princes si, loin de remplir leur mandat, ils se montrent oppresseurst. Cette conséquence est hardie : aussi Mirabeau cherche-t-il à en diminuer la portée par cette remarque : « Le peuple n’enfreint les lois que lorsque le gouvernement lui-même les a le premier violées”. » Il s'excuse ensuite en disant que « appeler les esclaves à la révolte, ce n’est pas détrôner les princes qui respectent leurs sujets5. »

La royauté peut-elle admettre de tels principes ? Mirabeau ne les énonçait qu'au moment de la monarchie absolue; mais il n’acceptait pas ce régime qui devenait inutile et nuisible et par cela même devait tomber. Il repousse l'autorité paternelle, tutélaire et despotique des rois, telle que l’entendait l’école pAysiocratique®. « L'idée noble, mais très fausse, dit-il, que l'autorité royale dérive de l’autorité paternelle conduit tout droit au despotisme. Le père donne tout, le roi reçoit tout. Les pères ont fait leurs enfants, les peuples ont fait leurs rois‘. » La monarchie qu’il entend est toute différente de celle qui existait avant 89; il lui attribue une tout autre origine que celle qu’on lui donnaït. De même qu’il conteste le droit du plus fort, il rejette absolument la théorie du droit divin. Ici, il se montre disciple de Rousseau ;

1. Lettres de Vincennes.

2. Harangue au roi, au nom du département de Paris, mars 1791. Courrier de Provence, v. XIII, p. 459.

3. Lettres de cachet, v. I, p. 71.

4. 16 juillet 1789. Archives parlementaires, p. 243.

5. Lettres de cachet, v. I, p. 71-75.

6. Essai sur le despotisme, p. 113, 129, 288, 300. Avis aux Hessois, dans les Œuvres (1821), v. V, p. 5. Réponse aux conseils de la raison, ibid., p. 17 et 19.

7. Lettres à mes commettants, n° 25, p. 2-3, 8.

8. Rép. aux conseils de la raison, p. 17 et 19.

9. Loménie, Les Mirabeau, v. Il, p. 334.

10. Lettres de cachet, v. 1, p. 159-161.