Garat 1762-1823

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Jeune, belle, d’une grâce délicieuse, petite, blanche, blonde, « de ce blond cendré qui n'est qu'à Valérie » !, avec des yeux d'un bleu glauque comme la mer de son pays; avec une voix tendre n'émettant jamais que des paroles de douceur, elle était la véritable Slave enlaçante et lascive.

On se la figure aisément dans un salon grec ou

de Henri Stilling, Berlin, 1111-1179. Madame de Krüdener fut un des plus dévoués disciples de Stilling.

1. Valérie, ou Lettres de Gustave de Linar à Ernest de G., Paris, 2 vol. in8, Giguet et Michaud imp., Paris, 1804. Madame de Krüdener usa des procédés de réclame les plus étranges et les plus raffinés pour aider au succès de Valérie. À peine le livre eût-il paru que, plusieurs jours de suite, « elle courut les magasins de modeles plus en vogue pour demander, incognito, tantôt des écharpes, tantôt des chapeaux, des plumes, des guirlandes, des rubans à {4 Valérie. En voyant cette étrangère, belle encore et fort élégante, descendre de voiture d’un air si sûr de son fait pour demander les objets de fantaisie qu’elle inventait, les marchandes se sentaient saisies d’une bienveillance inexprimable et d’un désir si vif de la contenter qu’il fallait bien qu’on parvint à s’entendre. Aussi métait-elle pas trop difficile à reconnaître au premier abord ce qu’elle avait demandé. Et si de pauvres jeunes filles abasourdies de ces demandes insolites eurent un moment l'air décontenancé et nièrent l'existence des modes demandées, madame de Krüdener en leur souriant avec bonté, et les plaignant de ne pas connaître encore le roman de Valérie en eût bientôt fait des prosélytes zélées de son livre. Avec ses emplettes, elle se transportait dans un autre magasin, feignant d’y chercher ce qui n’avait jamais existé que dans son imagination. Grâce à ce manège, elle parvint à exciter dans le commerce une émulation si furieuse en l’honneur de Valérie, que pour huit jours au moins tout fut à {@ Valérie. » (Ch. Eynard, madame de Krüdener, &. I, p. 136 et suiv., ouv. cit.)