Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

368 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

la reproduisent sous toutes les formes les plus séduisantes et presque à chaque instant. La classe la moins fortunée du peuple s'enivre avidement de ce pernicieux système et savoure avec complaisance ces opinions désordonnées, et c’est ainsi que ces monstres parviennent à pervertir l'instinct de justice qui distingue cette intéressante partie de l'humanité, c'est ainsi qu'ils parviennent à tuer sa moralité et à dégrader son caractère.

« Aux Jacobins, règne le même esprit; malheur à celui qui voudrait y faire entendre le langage austère de la loi; de forcenés déclamateurs y répètent chaque jour qu'ils ont encore leurs fpoignards, que la hache est encore levée, qu'ils tiennent encore la corde du tocsin, et celte société, jadis la lumière du peuple, l'égide de la liberté, l’effroi des tyrans, cette société, dis-je, a aussi subi le joug : ces hommes qui osent encore s'intituler les amis de la liberté et de l'égalité, ces hommes ne sont autre chose que de vils idolâtres, que des esclaves, en un mot, qui pour me servir de l'énergique expression de Tacite « sont dégénérés « même de l'esclavage ». Il ne reste plus aux Jacobins que la lie de cette société, c'est-à-dire la tourbe des hommes faibles et pusillanimes qui sont nés esclaves et qui mourront esclaves; puis cette coalition d'insolents ambitieux, connuesous la dénomination de faction Robespierre : coalition sanguinaire, qui redoute plus que la mort le retour de la paix, et qui