Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 383

voltante impunité. Au reste, ce n'est encore là que pastorales et verdures auprès des innombrables misères dont je t'eusse déjà fait le tableau si je n'avais été épouvanté de l’immensité de ces tristes détails. Si jamais je puis rentrer dans mes foyers et me livrer encore aux loisirs littéraires, avec quelle amertume, je vais retracer les infâmes concussions dont je suis le témoin et quelquefois la victime. Qu'il me tarde de pouvoir épancher librement les flots de l’indignation qui m'oppresse. Qu'ils tremblent, les cruels dilapidateurs qui oppriment le soldat et corrodent nos armées! Qu'ils tremblent, le jour de la vengeance arrivera, j'espère, avec celui de la justice! Les cris des victimes seront entendus, ils retentiront sur le cœur du philosophe et de leurs plaintes se composera cette plainte terrible, solennelle, qu'il portera au tribunal de ce juge qui fait justice à tous, je veux dire au tribunal du peuple. »

La retraite avait eu lieu, en effet, dans des conditions désastreuses pour les blessés. En arrivant à Navarreins on ne trouva pour les recueillir qu'un hôpital malsain, et où les malheureux furent entassés dans des salles trop étroites : c'était pour eux la mort certaine et prochaine, Ému de cette situation, Terrier obtint de la municipalité le château d’un émigré qui se trouvait dans le voisinage : là, au moins, les malades respiraient un air pur, et le local était suffisant pour en recevoir plus de 400.