La caricature en Angleterre. 3, Caricatures politiques : George III, Fox, Pitt, la Révolution française et Napoléon
908 REVUE DES DEUX MONDES.
trouve, par échappées, le naughty boy (comme l’appelait Sheridan), qui cassait, il y a quatre ans, les carreaux des ministres. On le surprendra jouant avec les petits Stanhope, la figure noircie avec un bouchon brûlé, courant à quatre pattes et bousculant Les meubles. Un jour, un seul jour, dans le Parlement, il perd son sang-froid et se met en colère. D'ordinaire, il est impénétrable. Son silence, ses paroles, tout est calculé. Il sait où il va et ne le dit pas. Il se grise avec Dundas, mais ne se confie pas à lui. Nul n’a vu le fond de cet homme, qui faillit aimer une fois et se retint. Il ne s’est point marié; il a tenu ses amis à distance. Son âme demeure inconnue.
Son rival, au contraire, se dépense, se prodigue, répand autour de lui à torrens son exubérante vitalité. À dix-neuf ans, il a lu les discours de Démosthène dans l'original et fait trois millions de dettes. Il partage les opinions rétrogrades et l’impopularité de son père. Il semble prendre plaisir à braver la foule qui le poursuit, l’insulte, mais l’admire déjà. Bientôt, il devient le plus ardent champion des droits populaires et continue sa vie dévorante. Il lui arrive de passer soixante-douze heures au jeu, dormant et dînant sur la table du pharaon. On l'attend pour prononcer un grand discours à Saint Stephen’s, et il est au dernier degré de l'ivresse, paralysé, inerte et comme mort. On le place sous une pompe; on l’inonde d’eau froide. Il se réveille, on le pousse vers son banc : alors, il parle et parle admirablement.
Un matin, passant devant la maison où habite Fox, dans Saint James, Horace Walpole s'aperçoit qu'on a saisi les meubles du grand orateur. De vieilles commodes et des chaudrons bossués gisent mélancoliquement sur le trottoir. « Tout cela n'a pas la mine de payer seulement les frais du déménagement... Et, à quelques pas de là, continue Walpole, qui est-ce que je rencontre, sinon Charles James en personne, qui vient à moi, s’accoude à la portière de ma chaise et parle du bill en discussion aussi tranquillement et aussi librement que s’il ne se doutait pas de ce qui se passe en ce moment chez lui? » Et Walpole conclut: « Pauvre Charles ! Plus on admire ses grandes facultés, plus on est irrité de ses folies, qui font le bonheur d’une nuée de vauriens et d’imbéciles. » Ces folies ont une autre conséquence que ni Walpole ni ses pareils ne sauraient voir : elles obscurcissent le sens moral chez cet homme si bon, si généreux, si bien doué. Il se fera le compagnon de débauches du prince de Galles, s'entremettra pour