"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LES TLLYRIENS AVANT « LA GUZLA ».

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d’ailleurs partagée par l’Europe entière de cette époque, devait être absolue, même en 1763, lorsque l’on publia, en tète des Observations historiques et géographiques sur les peuples barbares qui ont habité les bords du Danube et du Pont-Euxin 1 , la curieuse Dissertation sur l’origine de la langue sclavonne prétendue illyrique, par M. de Peyssonnel, de !’Académie des Inscriptions. M. de Peyssonnel ne connaissait pas la langue dont il étudiait les origines, mais l’Académie (à laquelle cet ouvrage fut présenté) ne la connaissait pas davantage, bien que vingt ans auparavant, elle eût compté parmi ses membres un Ragusain, dom Anselme Banduri, antiquaire distingué et bibliothécaire du duc d’Orléans (1671-1743). Sauf une bande étroite du littoral Adriatique, toute la péninsule balkanique faisait alors partie de l’empire du Grand Turc. La république de Raguse, cité de marchands riches et rusés extrêmement fiers chez eux, « pauvres Ragusains » hors de leur minuscule patrie 2 ,

1 A Paris, chez N.-M. Tilliard, 1765, pp. xliv et 364, in-4°. Manque dans la bibliographie de M. Pélrovitch. 2 « Ces Ragusois sont gens dé grand trafflc, et principalement sur ceste mer Méditerranée, ayans plus de six-vingts gros navires, avares, superbes et hautins, qui se persuadent n’y avoir gens plus nobles qu’eux : et pour paroistre tels, portent ordinairement l’oyseau sur le poing en se promenans par la ville, avec leur long habit, suyvans au reste l’église romaine et recognoissans le Pape. Leur commun idiome est l’Esclavon, le plus fâcheux de toutes les autres langues : pour lequel ils ont un alphabet et characteres à part, duquel aussi se servent les Serviens, Bossenois, Buigariens, etc. » (Jean Palerne Foresien, Pérégrinations, Lyon, 1606, p. 517.) « Nous vismes après Raguse, qui est la ville capitale d’une république, écrivait vers 1640 un Parisien ; bien qu’elle ne soit guère plus grande que la place Royalle, mais que la beauté des édifices et la quantité des fontaines rendent si jolie que je pourrois vous assurer qu’il y en a peu dans l’Europe de miéux bastie, si depuis peu de temps les tremblemens de terre n’en avoient tellement ébranlé les fondemens qu’il a fallu