"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université
« LA GUZLA » DANS LES PAYS SLAVES.
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sion àla grossesse de la jeune femme dont nous parle le Chant de Mort est simplement supprimée. Au contraire, Pouchkine rencontre-t-il un trait « slave », « orthodoxe », voire même « cosaque », il le dégage davantage, le met en lumière et le souligne. « Bois mon sang, Christich, et ne commets pas un crime », dit le cadet des fils du vieil heyduque Christich Mladin, remarquant que son frère regardait le cadavre de leur mère « avec des yeux comme ceux d’un loup auprès d’un agneau 1 ». Pouchkine adoucit l'atrocité des termes qu’emploie Mérimée et traduit : « Cher frère, bois mon sang brûlant. Ne perds pas ton âme! » Dans une autre ballade, lorsque le roi de Bosnie, le parricide Thomas 11, va visiter à minuit l’église de son château où il voit une lumière étrange et entend résonner les tambours et les trompettes, « d’une main ferme il a ouvert la porte, dit Mérimée, mais quand il vit ce qui était dans le chœur, son courage fut sur le point de l’abandonner : il a pris de sa main gauche une amulette d’une vertu éprouvée, et plus tranquille alors, il entra dans la grande église de Kloutch 2 ». Pouchkine christianisa, ou plutôt russifia, la dernière partie de la phrase : « Son cœur est engourdi d’horreur, mais il dit la grande prière, et entre tranquillement dans l’église de Dieu. » Mérimée enviait aux écrivains russes la concision de leur langue 3 . Lui, qui était la concision même, savait mieux que personne jusqu’à quel point un écrivain français peut condenser sa phrase. Eh bien ! nous croyons que le jour où il lut ses ballades illyriques dans les Œuvres complètes de Pouchkine, car, après tout, il a
1 Les Braves Heyduques. 2 La Guzla, p. 35. 3 Étude sur Pouchkine. (Portraits historiques et littéraires, Paris, 1874.)