La patrie Serbe

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sa sensibilité, il subit sans une plainte l'épréuve acceptée. Se privant souvent de quelques béuchées de pain qu'il jugeait plus nécessaires à d'autres, se dévouant sans cesse, relevant les courages que la souffrance abattait parfois, d'une stoïque résignation, par son attitude il imposait aux autres le stoïcisme et la résignation. Il pouvait demander beaucoup puisqu'il donnait tout. La plupart;des photographies du jeune Généralissime, prises les premières! semaines après la retraite, suftisent à révéler par leur expression le martyre qu'il endura. Quanc au Prince Georges, sil n'apparait pas ici, Cest qu'ayant élé déjà grièvement blessé et souflrant encore, il se trouvait éloigné par une longue convalescence. Les Princes Karageorgevitch ne sont pas modernes, il possèdent les antiques vertus que glorilient les traditions.

On avait donc évacué Prizrend. Cette dernière étape sur le territoire aimé de la Patrie, était d'une navrante tristesse, l’armée se pressait, s'agglomérait le long de la route. Les canons, les caissons de l'artillerie succédaient aux convois du train des équipages. Fantassins, mitrailleurs, cavaliers, Samalgamaient avec la foule des civils. Déjà les hommes épuisés par la fatigue, la faim, la maladie, commençaient à échelonner leurs agonies, ef cela n'était que le début, le matin de la premièrejournée des dix terribles journées qu'exigerait la traversée du désert glacé. Il y avait déjà le long de la voie douloureuse un sinistre jalonnement de chars, de véhicules brisés, renversés en des poses lamentables, de bagages éventrés d'où débordaiïent des objets délaissés, faute de courage pour les ramasser. Des chevaux immobiles sur le flanc tendaient en l'air leurs pattes rigides; ils acheyaient de mourir et, de leurs naseaux quils essayaient de soulever, sorlait une vapeur dernière,