Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

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étaient des femmes et des enfants. Dans le désespoir de l'arrachement au coin du sol qui leur était familier, ils avaient entassé pêle-mèle sur le char familial les meubles, les vêtements, des souvenirs touchants, des choses sans valeur, des choses ridicules aussi. [ls étaient accoutumés à ces choses, elles faisaient partie de leur vie, elles étaient leur âme. À les voir passer on comprenait que plutôt que de s’en séparer, ces simples se seraient fait plutôt tuer auprès d'elles. J'ai vu passer aussi de belles jeunes filles qui n'avaient que leur jeunesse et leur beauté à sauver. J'ai vu d’autres évacuations dans les Flandres, sur la Vistule aussi:ellesétaient désordonnées, bruyantes, tumultueuses. L’évacuation à laquelle j'ai assisté dans la vallée de la Morava était muette comme la mort. Il y a des désespoirs silencieux, et ce sont les plus grands. Silencieuses étaient les paysannes qui guidaient les bœufs noirs par les cornes. Silencieux étaient les enfants qui marchaient derrière l’attelage. Silencieux étaient les