Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures
CHAPITRE DIXIÈME. 309
personne, et affrontant cent fois la mort qui ne voulait pas de lui, tint tête à tous les assauts dirigés contre ses positions *. Mais les Monténégrins, décimés, affamés, et frappés de cette terreur qui saisit le plus brave quand il a vu tomber autour de lui tout ce qui lui restait d'amis, suivant l'expression d’un des leurs, «n’en voulaient plus » ; et, sourds à la voix d'un chef si respecté jusque-là, reprenaient un à un, et le désespoir dans l'âme, Le chemin de leurs villages.
Après plus de soixante combats, c'était fini; et Mirko qui venait, dans ces luttes homériques, d'inscrire son nom à côté de celui des plus illustres héros du peuple serbe, et de mériter ce titre d’ « Epée du Monténégro », que la postérité lui consacrera, eût pu redire avec le glorieux vaineu de Pavie : « De toutes choses ne m'est demouré que l'honneur et la vie qui est sauve. »
Toute résistance nouvelle eût été inutile; le sang monténégrin rougissait les rochers de la Liéchanska et de la Riechka Nabhia; la Katounska elle-même eût succombé en quelques jours, malgré la défense sérieuse à laquelle se seraient prêtés la plaine et le village de Doborsko-Selo et le passage de la Granitsa au-dessus de la capitale. La diplomatie sortait elle-même de son sommeil volontaire, et appelait à un compromis le vainqueur des Monténégrins et le jeune chef de la Montagne-Noire. Une entrevue eut lieu à Riéka au mois de septembre, entre le général en chef Omer-Pacha et le prince Nicolas, et la paix fut signée aux dures conditions contenues dans la convention suivante, proposée comme un ulti-
1 On nous a raconté que, dans cette terrible journée, Mirko ne s'était restauré qu'avec quelques poires qu'un de ses gardes put heureusement lui offrir.