Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures
CHAPITRE ONZIÈME. 331
Qu'on ne s'attende point à trouver dans l'existence journalière d’un chef de la Montagne-Noire la succession plus ou moins méthodique et prévue des actes inhérents à la vie d’un prince ordinaire. À celui-ci les conseils et les réceptions, les spectacles et les galas, la contrainte des palais; au premier la vie rude des montagnes, le mépris du luxe, de la bonne chère et de la mollesse, l'ennui dans la régularité, la joie dans l'imprévu, le suprême bonheur dans une liberté demisauvage. À son lever qui, le plus souvent, a lieu assez tard, le prince Nicolas se rend au sénat, où tantôt il travaille de son côté, au milieu d'un brouhaha que ceux-là seuls connaissent qui l'ont entendu, et tan4ôt prend part aux délibérations du suprême tribunal; si quelque cause criminelle vient à se présenter, il en suit attentivement les débats, interroge accusé et témoins et se fait à l'occasion l'avocat du prévenu. Le prince, suivi de ses gardes, fait ensuite habituellement une promenade dans sa petite capitale, laissant un facile accès auprès de sa personne aux nombreux suppliants qui attendent sur son passage cette occasion favorable pour lui présenter leurs requêtes. C’est le plus fréquemment des gens venus de loin qui, n’osant appeler directement au sénat d’un jugement des chefs de leur district, s'adressent à la justice ou à la clémence du gospodar. Souvent le cortége de celui-ci s'arrête auprès du puits public; un vaste cercle se forme autour du prince qui, modestement assis sur une chaise, et renouvelant la
des petites. Gardez-vous donc bien de vous jeter dans cet embarras; renvoyez les affaires des particuliers aux juges ordinaires. Ne faites que ce que nul autre ne peut faire pour vous soulager : vous ferez alors les wéritables fonctions de roi. »